Comment faire réémerger une institution artistique : l’exemple de l’exposition YSL au Musée des Tissus de Lyon

Comment renouveler la clientèle d’un musée en difficulté financière ? Comment créer des synergies de public en attisant à la fois la curiosité des fans de mode et/ou du célèbre designer, et des adeptes de culture artisanale ou d’histoire de l’art ? Ou encore comment aller occuper un nouveau segment de marché dans le monde culturel qui foisonne d’expositions ou de spectacles aussi bien à Paris qu’en région lyonnaise ? C’est le pari réussi du musée des tissus de Lyon grâce à l’exposition YSL présentée au cours de l’année 2020. Visite de l’exposition et analyse d’une démarche marketing artistique, patrimoniale et culturelle par l’équipe Ciliabule !

Un prisme large pour apporter un regard croisé entre les époques et les savoir-faire

En ce début d’année, c’est un 20/20 que nous donnons à l’exposition YSL qui s’est installée à Lyon ! 25 silhouettes, prêtées par le musée YSL de Paris, dont certaines inédites et issues des collections du grand couturier, sont exposées dans le magnifique hôtel de Villeroy. Mais ce n’est pas une simple présentation de robes d’un créateur disparu il y a 11 ans qu’ont organisé conjointement le Musée YSL de Paris et le Musée des Tissus de Lyon. C’est une mise en lumière des rencontres entre les soyeux lyonnais et le célèbre couturier pendant plusieurs décennies : une programmation savamment organisée entre les 2 sites pour donner un nouvel élan à ce musée vieillissant.

En délocalisant ses silhouettes hors les murs, le célèbre musée parisien a décidé de faire rêver les Rhônalpins par la mise en lumière d’une figure de proue de la mode, Yves Saint Laurent. A partir d’une grande variété de documents, Esclarmonde Monteil, directrice du musée des Tissus de Lyon et Aurélie Samuel, directrice des collections du Musée Yves Saint Laurent Paris ont rendu compte de l’étroite collaboration entre le couturier et les maisons lyonnaises, célèbres pour leur soie. L’industrie lyonnaise est la 2ème industrie au monde après celle de l’Italie, la soierie y remonte à plus de 500 ans ! Au départ foire de matières premières de tissage, elle est devenue épicentre de savoir-faire pour l’ameublement et la conception de vêtement au 18ème siècle, âge d’or des soyeux. A l’époque d’YSL, 2 collections par an sont créées et obligent les industries à des visions prospectives pour satisfaire les créateurs qui partent du tissu dans leur travail de création. Les intermédiaires doivent donc sentir les nuances sans cesse en renouvellement. L’expo présente les coulisses avec notamment la grande implication du créateur et de Pierre Berger dans le choix des tissus et leur présence au sein même des ateliers.
C’est en croisant les prismes, local et artisanal des soyeux, international et avant-gardiste du créateur que cette rétrospective prend un sens nouveau et s’adresse de fait à plusieurs générations, férues de la mode, nostalgiques de l’artisanat ou du patrimoine mais aussi adeptes du luxe ou du génie de la couture !

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Un angle marketing original : positionnement technique et savoir-faire

L’originalité de cette exposition est de présenter la mode avec une nouvelle grille de lecture qui s’attache à l’aspect technique. Y sont présentés à la fois :

  • Les preuves du travail de recherche et de conception comme des chemins de fer, des découpes de tissus taffetas, mousseline, crêpe etc. ;
  • des croquis du designer ;
  • Les résultats ou les bénéfices de l’époque au travers des mannequins, ou des vidéos de défilés de l’époque ;
  • Des documents d’archives, photos et vidéos pour rendre compte du travail de recherche et du processus créatif.

Les étapes de fabrication sont savamment détaillées pour rendre compte de la précision et de la complexité des processus, un travail d’orfèvre qui maille différents corps de métiers au service de la création. L’angle tarification, rarement abordé dans les expositions, est aussi évoqué comme pour justifier de l’aspect économique du luxe. Même les célèbres « Paper dolls » dessinées par YSL à l’âge de 16 ans sont dévoilées en introduction, comme les prémices de cette trajectoire hors du commun qu’était destiné à suivre le couturier. Au départ il découvre les tissus via les magazines – Vogue, l’Officiel de la couleur – dans lequel sont présentés des étoffes, car nous sommes à l’air d’avant le prêt-à-porter. Ces catalogues font rêver le créateur qui imagine sa future maison de couture, et déjà il intègre les industries lyonnaises : coton de Ducharne, satin de Buche, mousseline de Bianchini-Ferier… Le but de cette exposition est bien de trouver des liens évocateurs entre les tissus d’origine, et le produit final.

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La mise en valeur « en live » du patrimoine soyeux lyonnais

Huit maisons lyonnaises ont travaillé pour Yves Saint Laurent : c’est pourquoi l’exposition a choisi de s’arrêter sur les relations entre les soyeux lyonnais et Yves Saint Laurent. Une mise en lumière des fournisseurs lyonnais au travers des modèles qui ont du succès : car c’est bien en partant des tissus que ce créateur faisait travailler son inspiration. Les prestigieuses maisons de tissus sont mises en avant dans cette exposition par le prisme des robes du créateur : Abraham, Beaux-Valette, Bianchini-Ferier, Bouton-Renaud, Brochier, Bucol, Hurel, Sfateet Combier. Le chaland se surprend à découvrir et distinguer les différentes étoffes et multiples coloris, comme une expérience sensorielle que l’on nous permet de vivre. La rétrospective met en avant les coulisses de la haute couture et les liens privilégiés entretenus par le couturier durant quarante ans de collaboration avec les soyeux lyonnais, fabricants et fournisseurs des tissus et étoffes de la région. En mêlant patrimoine et mode, l’exposition présente avec précision la richesse industrielle et artisanale de la région souvent mal connue du public. De quoi redonner de la fierté aux rhônalpins face à l’histoire de leur ville, et conquérir un public qui ne serait pas venu sans le nom d’un couturier majeur du 20ème siècle.

La soie a fait vivre l’industrie lyonnaise pendant plusieurs siècles. Encore aujourd’hui certaines maisons lyonnaises produisent des soies de très grande qualité. Le Musée des Tissus, grâce à ces expositions temporaires et permanentes, ne cesse de mettre en valeur ce patrimoine depuis plus de 100 ans.

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Une démarche marketing culturelle bien pensée au service du renouveau d’un musée

La renaissance d’un musée passe par la recherche de nouveaux segments, par un changement stratégique en termes de programmation pour surprendre, étonner et élargir le public, par une programmation complémentaire qui décline le concept de l’exposition, notamment pour le jeune public, par l’édition de catalogues qui vont incarner et prolonger le moment, par l’utilisation de leviers digitaux aussi bien au service de la communication autour de l’évènement que de l’expérience muséale. En autres… C’est aussi par le travail de partenariat entre 2 musées qui ont su trouver un lien et une richesse dans leur approche respective. Il nous tarde de découvrir les prochaines expositions du futur musée lyonnais qui fait peau neuve courant 2020 ; A l’heure du tout digital, le plaisir visuel ou sensoriel et la quête de sens, tendances marketing qui font leur retour en force, sont bien les ressentis majeurs au sortir de cette exposition. Plus que quelques semaines pour rêver d’être ou de côtoyer un grand couturier !

Informations pratiques : https://www.museedestissus.fr/pages/exposition/1:Yves%20Saint%20Laurent

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