En automobiles, le marché de l’ultra-luxe est un marché de niche. Il progresse plus rapidement que les autres, Bentley, Lamborghini ou encore Rolls Royce enregistrant des chiffres record. Mais le paradoxe guette : si l’accroissement des ventes se révèle bénéfique pour le résultat de ces grands constructeurs, comment préserver les valeurs essentielles à une entreprise du luxe ? Acquérir une Lamborghini, ce n’est pas acheter une voiture, mais réaliser un rêve.
Massifier l’ultra-luxe
Acquérir une Lamborghini, ce n’est pas acheter une voiture, mais réaliser un rêve. On ne possède pas un produit de luxe, on construit une relation avec lui. On peut copier un logo, une forme, un produit… mais pas l’expérience qu’une marque de luxe donne à vivre grâce aux caractéristiques du produit : l’unicité, l’intemporalité, l’excellence, l’innovation, l’âme… Pour suivre cette stratégie sans écorner leur image et nuire au caractère exclusif de leurs produits, les marques automobiles produisent en parallèle des modèles en éditions très limitées. Et les clients doivent attendre au moins quatre mois avant de recevoir leur bolide, un artifice destiné à augmenter la valeur perçue lors de l’achat.
Les automobiles de luxe : Descendre en gamme vers le premium
Pour exploiter au mieux l’image de marque et amortir les frais engagés dans le développement de technologies, les constructeurs de luxe ont trouvé une recette miracle : multiplier les modèles et descendre en gamme. C’est-à-dire suivre une stratégie « downward », terme attribué à toute entreprise du secteur du luxe tendant à se rapprocher des entreprises premium. Le premium, différent du luxe, mise sur la qualité des produits, la performance, la précision du design et de la technologie. Comme Porsche avec ses SUV et berlines, Jaguar avec la familiale XE et le SUV F-Pace, Lamborghini avec l’Huracán ou la Contiental de Bentley. Résultat : l’image reste tirée par les voitures emblématiques, mais les marges opérationnelles sont désormais assurées par ces modèles plus accessibles.
Pour aller plus loin… Quelques tendances qualitatives du secteur de l’automobile de luxe
- La Chine a le potentiel de croissance le plus élevé parmi tous les pays en développement sur le marché des voitures de luxe. Audi, Mercedes-Benz, BMW, Lexus et Volvo… autant de constructeurs de voitures de luxe qui maintiennent une croissance positive sur le marché asiatique. Mais en attendant cet eldorado, les États-Unis demeurent la cible historique la plus porteuse, et l’Europe reste le 3ème marché privilégié avec l’Allemagne et le Royaume-Uni qui assurent l’essentiel des commandes.
- La mode est aux SUV, ces véhicules moins imposants que les 4×4 mais plus gros que les berlines, venus des USA. Attirées par la croissance annuelle à deux chiffres, les marques de luxe se sont engouffrées dans le créneau avec un, voire plusieurs modèles dans leur gamme.
- Les constructeurs sont également atteints du syndrome hypercar et élaborent des véhicules avec des performances exceptionnelles, à plus d’un million de dollars : la Veyron de Bugatti, le premier à se lancer, la P1 ou la Senna de McLaren, la Valkyrie d’Aston-Martin ou encore la Lamborghini Centenari. But avoué : renforcer l’image et sécuriser la trésorerie, les supercars étant vendues bien avant d’être fabriquées. Les listes d’attente s’allongent et les propositions délirantes se multiplient, preuve que ce luxe là ne connaît pas la crise.
Ciliabule vous explique… Luxe automobile, un désamour à la française
La France a longtemps été réputée pour ses modèles prestigieux, Bugatti, Delage, Delahaye ou Talbot qui incarnaient l’ultra-luxe et l’élégance, il y a un siècle… Mais à la sortie de la seconde guerre mondiale, le gouvernement préfère relancer l’automobile populaire, avec la démocratique Renault 4CV ou l’élégante Peugeot 203. Dans les années qui suivent, les marques de luxe hexagonales vont disparaître dans l’indifférence, tandis que des taxes indexées sur la puissance des véhicules brident le marché et les velléités d’investir dans le segment supérieur.
Le premier choc pétrolier de 1973 façonne une nouvelle génération de véhicules, encore déclinés aujourd’hui. A partir de ce moment là, ce sont les constructeurs allemands qui définissent les standards du haut de gamme, aidés dans leur dynamisme par la défiscalisation des grosses cylindrées sur le marché domestique. Certes Renault, Peugeot et Citroën ont essayé de se relancer dans le segment avec quelques succès d’estime : la DS de Rabbi Jacob, la Citroën SM avec son moteur Maserati, ou la 604 rallongée. Objectif : augmenter les marges, redorer l’image de marque et partir à la conquête de nouveaux marchés avec de petits volumes. Mais depuis les années 90, les constructeurs tricolores ont quasiment abandonné le terrain, faute de références et de marché intérieur suffisamment solide. Car s’imposer dans le luxe nécessite des investissement soutenus sur la durée, un renouvellement des véhicules tous les cinq ou six ans, de bons moteurs, une personnalisation poussée ; et puis une image, ce qui prend le plus de temps à installer, et coûte le plus cher. Paradoxe ultime pour un pays qui est numéro 1 des produits de luxe : il se vend aujourd’hui moins de Ferrari, Aston Martin, McLaren, Bentley, Bugatti, Lamborghini, Rolls-Royce, Porsche ou Maserati qu’en Allemagne, qu’en Grande-Bretagne et même qu’en Italie…