Lors de notre dernier voyage d’étude marketing à New-York, forcément orienté retail étant donné l’effervescence de la ville en la matière, nous avons porté un regard sur le magasin Tiffany & Co de la 5ème avenue, flagship de la marque fondée en 1837. Un magasin qui fait partie de l’imaginaire collectif tant il a servi de décor à des scènes cultes de films américains au cours desquelles des amoureux fébriles choisissent leur bague de fiançailles. Mais de récents évènements remettent la marque sous le feu des projecteurs, et pas uniquement pour des raisons marketing…
Les fondamentaux étincelants de Tiffany
Créée en 1837, la marque de joaillerie s’appuie sur de solides bases qu’elle décline avec nuance car comme toute marque de luxe, son histoire fait sa valeur :
- Le bleu Tiffany, cette couleur turquoise si désirable, est une couleur déposée depuis sa fondation.
- Un packaging reconnaissable et inchangé, la fameuse boîte bleue Tiffany que certains sont même prêts à acheter vide tant elle est symbolique et évocatrice
- Une collection « 1837 », avec des bijoux gravés de cette date, qui d’année en d’année rappelle la fondation de la Maison
- Des collections dérivées des codes et monuments de New-York pour, là encore, rattacher la marque à sa genèse
- Une expertise dans le diamant qui en fait une des enseignes privilégiées par les américains pour leur bague de fiançailles
Et bien sûr le service ! Que vous achetiez un collier de haute joaillerie, une boîte à bijoux comme ce fut notre cas ou que vous y alliez déjeuner, la même attention est accordée aux détails, à l’accueil, au service, aux codes de la marque : conseillère qui vous présente les produits avec gants même pour un cendrier, service incomparable, suivi clients, boisson proposée dans des cups bleues Tiffany issues de leur ligne de produits dérivés pendant que vous patientez dans de confortables fauteuils. Toute expérience chez Tiffany & Co est d’une fluidité absolue : le propre du luxe d’aujourd’hui.
2018 : Le renouveau marketing de Tiffany
Depuis 2017/2018, la marque s’est engagée dans une stratégie de diversification et de renouveau pour coller davantage au nouveau luxe et compléter ses sources de revenus. Équation pas simple lorsqu’il s’agit d’allier les codes à l’ancienne, que la marque incarne à la perfection, et de lutter contre des nouvelles marques de luxe qui conquièrent de plus en plus de parts de marché en détournant parfois ses mêmes codes. Quelques exemples des nouveautés marketing de la marque bleue :
- Un restaurant, le Blue Box Cafe de Tiffany, complet 3 semaines à l’avance et qui décline les codes de la marque, de son nom à sa vaisselle et à son menu.
- Un parfum dans le cadre d’un contrat de licence avec Coty, car le parfum est aujourd’hui une source de revenu essentielle pour les marques de luxe.
- Une collection « Home & Accessories » qui joue sur le bleu Tiffany, et qui va de la raquette de ping-pong aux pots de fleurs, et même à une boîte bleue en porcelaine, déclinaison du packaging.
- Une communication qui cible de plus en plus les millenials : applications, campagnes de publicités, utilisation des réseaux sociaux.
Une romance qui tourne court ?
Retour en arrière : fin novembre 2019, LVMH décide de s’offrir Tiffany pour 16,2 milliards de dollars avec une opération devant se conclure mi-2020. Objectif de cette acquisition pour le numéro un mondial du luxe : rééquilibrer la répartition géographique des ventes de LVMH très orientées vers l’Asie d’une part, et devenir leader sur le segment très porteur de la joaillerie devant le groupe Richemont. Le mariage s’annonçait fastueux, mais certains évènements mondiaux sont venus jouer les trouble-fêtes…
La crise sanitaire et économique a en effet profondément bouleversé la donne, contribuant à ce que les 2 ex-fiancés engagent un bras de fer où l’économie le dispute à la diplomatie, à la stratégie et au judicaire. Sans entrer dans tous les détails, la valeur du joaillier américain a fortement baissé et LVMH multiplie les manœuvres pour remettre en cause cette opération aux conditions préalablement fixées. Les chiffres de Tiffany sont en chute libre avec des ventes ayant fortement diminué sur le continent américain dont le joailler est très fortement dépendant, faisant s’effondrer sa valorisation avec en plus des incertitudes sur ses capacités à réagir. Mais les griefs de LVMH concernent surtout la supposée mauvaise gestion de la situation par Tiffany qui, par exemple, a maintenu le versement de très importants dividendes ainsi que les rémunérations et les bonus, alors même que les pertes d’exploitation devenaient abyssales. Il est également possible que la diplomatie soit venue jouer un rôle dans cette histoire, étant donné les problématiques de guerre commerciale entre les USA et la France et l’Europe, mais il reste difficile de confirmer ces informations. In fine, devant le souhait de LVMH de renoncer à la transaction, Tiffany a attaqué le numéro 1 du luxe en justice.
Si l’union restait incertaine jusqu’à hier, LVMH ayant également comme option de se choisir un autre prétendant, le contrat de mariage a été renégocié en fin octobre 2020 : un accord a été trouvé et les deux sociétés se sont finalement entendues sur une acquisition à un moindre coût pour LVMH (131,50 $ par action au lieu des 135 $ initiaux)… Tous nos vœux de bonheur !
Article publié le 29 octobre 2020